La peinture de Julie Polidoro se présente comme un territoire où chaque élément s’efforce de trouver sa place, d’entrer en relation avec les autres, et de former avec eux un ensemble qui ait plus de sens qu’un simple agrégat.

Sur certaines œuvres, le fond est occupé par le plan d’une ville. Sur une autre, on relèvera les cases d’un formulaire de douane. Parfois encore, il s’agira du marquage au sol d’une piste d’atterrissage. Généralement, le motif est compliqué par la présence d’une ou plusieurs autres structures similaires, ou bien par des inscriptions (telle la composition précise d’un aliment).

L’impression première est celle d’une multitude, au sein de laquelle il faut se frayer un chemin. A mesure que le regard éclaircit le grouillement des formes, il distingue alors les différents niveaux qui se chevauchent et les nœuds qui s’établissent entre eux.

Tout se passe comme si l’artiste prenait une coupe, une radiographie ou un schéma de la réalité, et, à partir de ce matériel, tentait d’en révéler les articulations. La cartographie qui en résulte ne fournit pas de clés définitives mais, comme une carte du ciel, fait apparaître les lignes qu’on peut tracer entre les personnes et les choses ainsi qu’entre les différents domaines de la réalité (écritures et objets, matériel et spirituel, vides et pleins), qui coexistent sans hiérarchie, et de manière mobile.

Si la quête de tout être humain est celle d’un territoire, notre erreur serait de croire que nous pouvons vivre séparés. Or la peinture n’exprime pas cela seulement par l’image, mais aussi par le fait que celle-ci intègre la qualité particulière du support (papier, ardoise ou toile). En s’inscrivant dessus, la représentation entre en contact étroit avec la matière qui la porte, de même que ces topographies hypothétiques viennent se superposer en transparence sur le monde réel.

 

Anne Malherbe